La psychologie des personnes Hypersomniaques, narcoleptiques.

Sans que cela fasse partie, à proprement parler, des signes secondaires des maladies de l’hypersomnie, son atteinte va avoir des conséquences sur la psychologie des personnes et modifier l’expression de certains traits de personnalité.

Phase de semi conscience aboulique

Un certain nombre de personnes hypersomniaques, narcoleptiques  décrivent des épisodes difficiles à vivre, dans leur vie quotidienne. Elles ont l’impression de vivre au ralenti alors que leurs capacités de réflexion semblent entières et intactes. Cela s’accompagne parfois de la sensation physique de mollesse des muscles. Elles savent ce qu’elles doivent faire mais tout se passe comme si, à ce moment-là, leur manquait le “petit déclic” qui leur permettra de prendre la décision d’agir et de passer à l’action  seulement imaginées dans leur pensée.
La pensée ne peut se réaliser dans l’action qu’elles souhaiteraient mettre en place. Elles peuvent même se critiquer sur leur manque de vitalité et de vivacité mais cette sorte d’épisode d’aboulie ou de procrastination peut se maintenir encore pendant plusieurs minutes. Le vécu est différent des moments d’hésitation que l’on peut avoir sur l’envie ou non de se mettre à travailler.

Hyperactivité comme recherche de solution

L’hyperactivité mentale et motrice semble être une façon, pour un certain nombre de personnes narcoleptiques, de “soigner” ou d’empêcher la survenue d’accès de somnolence. En effet, dès qu’elles sont dans une situation calme d’attente sans avoir quelque chose à réaliser, les personnes ressentent très souvent les premiers signes des accès désagréables d’endormissement. Alors il leur faut  toujours avoir quelque chose à faire dans une activité physique. La seule activité mentale ne suffit pas à empêcher les accès. Les personnes narcoleptiques vont donc “s’agiter” en permanence. Sont-elles dans une salle d’attente, elles se lèvent et se mettent à marcher. Cela entraîne parfois une certaine dispersion dans leurs activités, car elles ont souvent “plusieurs fers au feu”. Elles commençent tout mais ne terminent pas forcément leur travail, d’autant que l’oubli et les défauts de mémorisation les guettent.

L’observation montre cependant que les personnes qui utilisent ce moyen pour faire face à leurs difficultés semblent avoir un meilleur moral que les personnes qui se laissent aller sans réagir aux accès d’endormissement comme si elles ne pouvaient que les subir sans moyen de pallier les inconvénients que cela procure.

Accès d’agressivité

Il peut y avoir aussi des accès d’agressivité verbale qui se déclenchent pour des motifs inattendus. La question est soulevée de savoir si c’est un effet de certains traitements qui stimulent les activités d’éveil et pourraient entraîner une levée des inhibitions en provoquant alors des mouvements agressifs ou si c’est une conséquence secondaire de la maladie. Les médecins somnologues semblent pencher pour la première hypothèse.

Peur des crises de cataplexie en public

La survenue des accès de cataplexie, au moment où tout le monde rit, vient “casser l’ambiance” quand les personnes ne savent pas ce qui leur arrive. Progressivement, ces personnes se mettent à développer la crainte de faire des crises en public et elles risquent alors de prendre la solution radicale de ne plus sortir en réunion. Elles refusent toutes les invitations, familiales, amicales ou professionnelles. Si elles ne peuvent les éviter, elles vont avoir, au cours de ces rencontres, une attitude de fuite de toutes les occasions qui pourraient déclancher les crises. Elles peuvent alors apparaître ou excessivement timides ou trop réservées ou “pète sec !” ou “pas drôle en société” alors qu’elles cherchent seulement à se protéger d’elle-même.

Perte de la confiance en soi

Un autre élément qui vient renforcer ce tableau est la prise de conscience que la personne a des “trous de mémoire” : parfois elle ne se souvient de rien, elle oublie ce qu’on vient juste de lui dire, elle ne comprend plus ce que les gens autour d’elle sont en train de dire. Elle a pu avoir des hallucinations auditives ou visuelles avec un sentiment aigu de réalité. Elle a pu être victime simplement d’un court instant d’accès narcoleptique avec ou sans prise de conscience de son état. Elle ne sait pas si les autres l’ont remarqué mais cela va entraîner progressivement un doute sur la réalité de ce qu’elle est en train de vivre et un manque de confiance en soi. Dans une discussion, elle va pouvoir affirmer, en toute sincérité, des choses qu’elle sait fausses, en temps normal, mais, elle ne va s’apercevoir de son erreur que plus tard. Qu’ont pu penser les autres ?

Tentation du retrait sur soi

Dans un groupe, lorsqu’une personne sort d’un accès de somnolence, il est frappant de la voir regarder tout autour d’elle : “les autres ont-ils vu que je dormais ?” Ces mécanismes de méfiance de soi et de crainte du regard des autres sont quasi inévitables. Peut-on perdre la conscience de soi, du temps écoulé et la maîtrise de son environnement durant quelques minutes incontrôlables sans que cela n’ait un retentissement psychologique. Ce n’est guère possible de le vivre bien, d’être dans un déni total ou de faire comme si cela n’existait pas. La tentation est grande alors, pour ne plus vivre ça, de se replier sur soi et de s’isoler.

Isolement et sentiments dépressifs

C’est ainsi que la personne s’isole du monde extérieur en développant parfois ce qui peut ressembler à une vraie dépression. La différence essentielle est que la dépression est comprise comme la non-acceptation d’une perte d’objets affectifs extérieurs à soi et l’incapacité à développer d’autres objets d’affectivité en remplacement des objets manquants. Il y a souvent, une bonne partie de fantasme dans la représentation de ces objets manquants.

Dans le cas de la narcolepsie, les mécanismes sont différents et, en conséquence, l’abord thérapeutique, pour être efficace, doit aussi être différent. Il n’y a pas de perte d’objets extérieurs à soi mais des difficultés à accepter ses nouvelles limites personnelles du fait du handicap. Il y a crainte des conséquences réelles et gênantes qui font se replier sur soi en développant des sentiments de dépréciation de soi. C’est la nouvelle image de soi, créée par le handicap, qu’il faut apprendre à assumer et à dépasser.

Un autre élément important semble être le sentiment de perte de contrôle du soi. Tant que la personne situe l’élément perturbateur comme un élément en dehors du soi – c’est-à-dire ne faisant pas partie d’elle-même – elle a des difficultés à assumer ses limites et à réinvestir ses capacités du faire face.  Il lui faut, de nouveau, se persuader qu’elle peut avoir un certain contrôle sur la nouvelle situation ainsi créée. Cette démarche n’est ni simple, ni facile, ni acquise une fois pour toute. Elle est à vivre au jour le jour.

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