Film Narco

Narco

(THE SECRET ADVENTURES OF GUSTAVE KLOPP)

Narco ! Ce n’est pas un thriller sur les narcotrafiquants. Narcolepsie vient du Grec “narkê” qui veut dire engourdissement, torpeur et de “lêpsis” qui est l’action de prendre de s’emparer. C’est ce qu’un médecin pédagogue dit, doctement gêné, au père (Jean-Pierre Cassel) du petit Gustave Klopp.

INFORMATIONS RECUEILLIES SUR DIFFÉRENTS SITES INTERNET:

NARCO (The Secret Adventures of GUSTAVE KLOPP)

Sortie nationale : 1er décembre 2004

SYNOPSIS :

GUSTAVE KLOPP est narcoleptique. Il s’endort n’importe où, n’importe quand, ses fréquentes crises de sommeil subit sont aussi brutales qu’inattendues. Si cette maladie constitue un véritable handicap pour sa vie professionnelle, elle lui permet cependant de vivre, dans ses rêves, des aventures inoubliables. À peine endormi, GUSTAVE devient Klopp, un super-héros invincible et vengeur.

GUS partage sa vie entre PAM, sa femme, qui tient une onglerie et qui rêve, elle, à des jours meilleurs, et LENNY BAR, son meilleur ami, karatéka approximatif, disciple inconditionnel de Jean-Claude Vandamme. Ce petit monde est prédestiné à une vie simple et pépère, dans une petite ville qui sent bon le bonheur et la sérénité. Mais GUS a décidé de ” bouger son cul “, comme le lui a demandé si gentiment PAM, et a entamé une thérapie de groupe.

Son psy, SAMUEL PUPKIN, a découvert que GUS transforme ses rêves en incroyables bandes dessinées. Aidé par GUY BENNET, un comique raté reconverti dans l’édition, ils décident de s’approprier l’œuvre de ce génie méconnu. Pour cela, une seule solution, se débarrasser de GUSTAVE KLOPP.

LES REALISATEURS sont Tristan Aurouet et Gilles Lellouche. C’est un premier long métrage sur un scénario de Gilles Lellouche d’après une idée d’Alain Attal et Philippe Lefèvre. Le premier étant le producteur du film et le second étant coscénariste. Le tournage s’est déroulé pendant douze semaines sous l’égide des Productions du Trésor.

Secrets de tournage

A propos de la narcolepsie

Pour les besoins du film, Guillaume Canet et les réalisateurs, Tristan Aurouet et Gilles Lellouche, ont rencontré un vrai narcoleptique. Tous souhaitaient ne pas trahir la réalité de cette maladie. C’est ainsi qu’ils ont découvert la faculté des narcoleptiques à reprendre leurs rêves où ils les laissent en se réveillant et à les poursuivre tout naturellement. En fait, ces personnes sont immédiatement plongés dans le sommeil paradoxal que nous mettons entre deux et trois heures à atteindre. Au final, les réalisateurs jugent qu’il n’existe aucune incohérence vraiment énorme entre leur fiction et la réalité.

Clin d’oeil à Scorsese

Narco aborde le thème de la célébrité et les moyens que certains sont prêts à mettre en oeuvre pour l’atteindre. C’est sans doute pour cette raison que les réalisateurs ont donné au personnage le plus avide de reconnaissance le nom de Pupkin, ce héros en quête de gloire médiatique dans La Valse des pantins de Martin Scorsese. Un joli hommage.

C’est un film comique qui réunit Guillaume Canet (GUS), Benoît Poelvoorde (LENNY BAR), Zabou Breitman (PAM), François Berléand (GUY BENNET), Guillaume Gallienne (SAMUEL PUPKIN), Jean-Pierre Cassel (Le père de GUS).

21 octobre 2004, Congrès de la SFRS à Bordeaux, avant-première privée

Une avant-première privée de ce film fut diffusée le 21 octobre 2004 lors d’un congrès par un Laboratoire pharmaceutique. Étaient présents les membres de la SFRS (Société Française de Recherche sur le Sommeil) organisatrice, des membres de l’ISV (Institut de Sommeil et de la Vigilance) et des adhérents de l’ANC (Association Narcolepsie Cataplexie – 07110 Valgorge – https://www.anc-narcolepsie.com/ D’autres avant-premières ont eu lieu ; celle de Nantes a vu la participation des réalisateurs Tristan Aurouet et Gilles Lellouche. Un conseil : réveillez-vous pour aller le voir le plus vite possible.

Regarder ce film comme on lit une BD

GUSTAVE KLOPP se débat depuis son enfance dans des difficultés personnelles, familiales et professionnelles. Il est sujet à des accès de narcolepsie et de cataplexie qui l’entraînent progressivement dans la désocialisation et une certaine forme de marginalisation. En particulier, il vit intensément des périodes de rêves et d’hallucinations plus ou moins délirantes propres à ce type de maladie. Il essaie d’y faire face en participant à un groupe de thérapie animé par SAMUEL PUPKIN, un thérapeute pour le moins bizarre. Cela va l’entraîner à se mettre à dessiner ses rêves et ses hallucinations comme il faisait quand il était enfant et que cela scandalisait sa maîtresse d’école. Son idée, qu’il est le seul à trouver géniale, est de le faire sous forme de BD … à l’américaine. Le sous-titre du film est d’ailleurs “The Secret Adventures of GUSTAVE KLOPP”. Regarder ce film comme on lit une BD est le “fil rouge” conducteur qui permet la compréhension de l’histoire. Alors qu’il est hospitalisé dans un état comateux LENNY BAR, son meilleur ami, le trompe avec sa femme PAM. Celle-ci, déçue dans ses rêves d’adolescente, vit mal son impuissance et son incapacité à comprendre son mari.

Les acteurs sont excellents dans l’ensemble et Guillaume Canet joue de façon très crédible celui du pauvre mec en proie à des attaques de narcolepsie et de cataplexie handicapantes. Il s’est fait conseiller techniquement par Gérard Favier, l’un des administrateur de l’ANC et le résultat de cette collaboration totalement bénévole est remarquable.

De cette brochette de gens “normaux”, perdus dans leurs rêves d’adolescents, mal dans leur peau et à la limite d’une marginalité toute banale, c’est lui qui a le rôle le plus sensible et le plus humain : le plus adulte pourrait-on dire … jusqu’à son pardon final. Il se débat seul avec ses problèmes, côtoyant une femme qui ne supporte plus sa souffrance de le voir souffrir de ces accès de sommeil. Zabou est, elle aussi poignante dans ce rôle difficile d’ancienne “princesse” adolescente et violée, traînant continuellement comme un boulet, un gamin infâme en perpétuelle rébellion contre ces adultes avec lesquels aucune identification positive n’est possible.

Benoît Poelvoorde sait rendre le côté ambigu et culpabilisé de l’ami égocentrique qui prend ses rêves d’adolescent pour des réalités. Si on retrouve encore chez lui le côté comique excessif et franchouillard qui le caractérise, il laisse percer sous cette carapace d’inadapté social, un jeu plus sobre, plus dramatique, plus mûr, plus dépouillé de ces excès pour faire ressortir la trahison amoureuse et la culpabilité de l’ami. Il se montre ainsi plus victime de ses illusions et de son immaturité que coupable de se laisser prendre au piège du soutien maladroit mais sincère qu’il essaie d’apporter au début à la femme de son meilleur ami.

Jean-Pierre Cassel tient le rôle étonnant d’un père baba cool, admirateur de Sinatra, paresseux, jamais au travail et le plus souvent allongé à dormir ou assis devant de mauvais films états-uniens à la gloire de la bravoure des soldats yankees.

Le rôle de Kévin, le fils de Sam, seul adolescent par l’âge, est tenu de façon très sobre et juste, jusque dans ses révoltes, par Vincent Rottiers, un jeune acteur doué d’une qualité de présence exceptionnelle.

François Berléand est un truculent GUY BENNET, comique raté et reconverti en éditeur malhonnête.

Guillaume Gallienne dans son rôle trop caricatural et ambigu de SAMUEL PUPKIN, le psychothérapeute moitié gourou non violent, moitié truand mafieux et passionné de BD est prêt à tout pour gagner argent et célébrité. Sa composition est la moins convaincante.

le film joue délibérément le parti pris de l’imagination débridée et déjantée

Vous l’avez compris par cette courte analyse du rôle des acteurs principaux, le film joue délibérément le parti pris de l’imagination débridée et déjantée à la fois en brouillant les cartes des genres et en donnant des pistes pour le décodage. Il faut parfois accepter d’y faire fi de la vraisemblance ou de la réalité. C’est loin d’être un film “intellectuel” mais c’est un film qu’il faut avoir vu plusieurs fois pour bien le comprendre. J’en veux pour preuve le nombre de perceptions et d’interprétations divergentes qui ont été avancées par les spectateurs à la sortie de l’avant-première de Bordeaux, qu’ils soient narcoleptiques ou non. C’est ce qui fait la richesse de ce film et ce n’est pas là sa moindre valeur. A Nantes, lors de l’avant-première du 9 novembre, les commentaires des spectateurs ne se sont pas intéressés du tout à l’aspect crédibilité de la narcolepsie.

Ce film n’est pas un film d’information sur les maladies qui composent la narcolepsie avec ou sans cataplexie : il raconte une tranche de vie d’un narcoleptique dans son individualité la plus stricte. La piste de la BD est l’une des grilles de compréhension. Le ton est à la fois celui d’une parodie des films de guerre des États-Unis, du thriller sordide à l’américaine et d’une description naturaliste, réaliste et désabusée d’un groupe de personnes inadaptées dans un environnement pavillonnaire tristement et banalement aseptisé et sans âme. Les paysages, s’ils sont filmés magnifiquement, ne sont pas marqués géographiquement : plusieurs régions de France pourraient les revendiquer. Qui connaît en France une plaque minéralogique 96 ?. Des flash back tentent, avec des explications simplistes, d’expliquer la psychologie du présent par le vécu d’un passé douloureux. En fait, le temps et les lieux n’ont guère d’importance comme si GUS s’en détachait en permanence.

Imaginez que vous voyez les 10 premières minutes du film “Narco” puis que tout devient noir, sans aucun contact avec l’extérieur et sans aucune notion de la durée. Puis la lumière revient, pendant ce temps, le film a continué. Vous ne savez pas combien de temps l’arrêt a duré, vous ne savez pas où vous êtes, vous ne savez pas ce qui se passe, vous vous demandez ce que vous faites là et ce que signifie ce film que vous ne comprenez plus. Pourtant tout cela vous dit quelque chose. Il vous faut renouer les fils de l’espace et du temps que vos neurones défaillants ont emmêlés. C’est ce que vit la personne narcoleptique lors de ses accès de sommeil irrépressible, impossible à contrecarrer même au prix d’efforts épuisants.

Le rêve, sous toutes ses formes, permet de s’échapper des réalités matérielles soit parce qu’il s’impose comme pour GUS soit parce qu’il est un moyen de défense pour LENNY, pour PUPKINet à un moindre degré pour PAM. Elle dit ses rêves en début de film et ensuite ce n’est plus que souffrance de la déception sans échappatoire possible sauf l’infidélité.

En tant qu’association de malades, il nous apparaît incontournable de donner aussi nos propres grilles de décodage de ce film

Ce faisant, nous ne pensons pas que les spectateurs, quels qu’ils soient, sont incapables de comprendre. Seulement, ils ne savent pas ! Qu’ils se consolent, ce ne sont pas les quelques 2 ou 4 heures de cours sur les pathologies du sommeil, durant toute leur formation initiale, chichement octroyées aux médecins par nos gouvernements successifs qui leur permettront d’en savoir plus que le commun des mortels, leurs patients. En effet, nos “responsables” nationaux refusent de façon opiniâtre et obstinée de considérer les maladies du sommeil comme une véritable discipline médicale et comme un véritable problème de santé publique. Faudra-t-il un jour utiliser les mêmes méthodes de lobbying qu’au USA ? Ce film pourrait en être l’occasion.

Il faut reconnaître aux réalisateurs l’honnêteté d’avoir précisé, dans des interviews, qu’ils ont pris des libertés avec la réalité de cette maladie ; cela fait partie du “génie” créateur. Cependant, nous pensons – à tort pouvons-nous l’espérer ! – que ce film peut donner lieu à des quiproquos, à de mauvaises compréhensions, voire à des idées fausses sur la réalité des différentes formes que peut revêtir la narcolepsie cataplexie encore appelée syndrome de Gélineau, du nom du médecin français qui l’a décrite le premier. C’est, une maladie rare qui a la même fréquence que la sclérose en plaque dont tout le monde connaît le nom.

Si ce film donne envie aux spectateurs médicaux et aux intervenants éducatifs, sanitaires ou sociaux d’en savoir plus sur cette maladie rare en allant consulter les sources les mieux documentées et les plus sérieuses, c’est tant mieux et il aura, en plus de nous distraire, joué un rôle bénéfique. Après avoir tapé “narcolepsie” sur deux moteurs de recherche Internet, j’ai trouvé 7 750 entrées avec le meilleur et 1 106 entrées avec l’autre. De quoi choisir et s’informer sérieusement.

Permettre une meilleure lecture et une meilleure compréhension

L’objectif de cet article est donc de faire quelques remarques permettant une meilleure lecture et une meilleure compréhension de ce film. Toutes les narcolepsies ne se ressemblent pas. Il en existe plusieurs modèles, des plus simples aux plus complexes, des moins gênantes aux plus handicapantes, des moins déstabilisantes aux plus désocialisantes, des moins stressantes aux plus angoissantes. L’inégalité est la règle : les manières d’y faire face sont diverses.

Cependant le scénario aborde plusieurs grands thèmes que l’on va retrouver dans la majorité des cas de narcolepsie. Dans le film GUS a environ 8 ans quand son père le traîne chez le médecin qui se contente d’étaler sa science sur le pain de son impuissance à soigner. Ce type de dialogue n’est pas caricatural. C’est presque mot pour mot celui que des narcoleptiques ont entendu quand ce diagnostic a enfin été posé. “Il n’y a pas de médicament … ou pas encore !” Même si cette phrase scandalise certains de nos somnologues actuels, ce verdict tombe parfois dans les cabinets feutrés, froids, austères ou confortables de nos médecins. Ils oublient souvent de dire que si des comportements adaptés de siestes et de pauses fréquentes au cours de la journée ne guérissent pas, ils améliorent considérablement les états de vigilance. Actuellement plusieurs types de médicaments efficaces existent : ils permettent de gommer les symptômes gênants. Ils ne guérissent pas. De nouveaux médicaments sont à l’étude et prévus pour être encore plus efficaces depuis les découvertes récentes des hypocrétines dans le fonctionnement cérébral. Les diagnostics chez les jeunes enfants existent mais ils sont plus rares que les deux autres pics d’âge que représentent l’adolescence et les années de la trentaine.

Les difficultés relationnelles sont majeures et bien décrites

Ce sont les professeurs qui considèrent l’enfant comme un paresseux, qui le ridiculisent devant ses camarades et qui le prennent comme bouc émissaire ou tête de turc selon les cas… Àl’adolescence, ce sont les accusations non vérifiées, fondées sur des préjugés et donc inébranlables : ce jeune fait la fête toutes les nuits, il se saoule ou il se drogue. Cela peut aller jusqu’aux demandes humiliantes de déshabillage pour vérifier de façon inquisitoriale les traces supposées de piqûres de seringue du toxicomane. Narco rime avec toxico pour donner narcotique ! Quelle cata !

Les difficultés rencontrées à l’adolescence dans la découverte de la sexualité sont traitées avec une certaine insistance sur le mode des clips publicitaires. S’écrouler d’émotion devant la copine qui vous fait un baiser surprise est une façon de “se taper le cul par terre” pour le moins inattendue. S’endormir “comme un cheval mort” sur sa partenaire ne lui permet pas facilement de s’échapper vers le 7ème ciel entrevu, ni même de s’échapper tout court. Plus ou moins importantes ou fréquentes ces situations sont réelles et vécues par beaucoup de couples dans la narcolepsie. Ils ne vont pas tous s’en vanter sous forme de pseudo télé thérapie auprès de journalistes voyeurs en mal de pathologies sensationnelles et médiatiques. Cette souffrance réelle n’est dite qu’à demi mots. De plus, l’endormissement du mâle, avant pendant ou après ce moment sublime ne signifie pas forcément la narcolepsie ou une pathologie. La cataplexie et la narcolepsie de la femme peuvent aussi passer pour la “petite mort” au moment du maximum de l’orgasme. Qui s’en plaindrait ?

Guillaume Canet a su jouer de façon à ne pas inspirer la pitié

Les relations de couple dans les autres domaines de la vie familiale sont aussi perturbées. GUS ne fait pas toujours rire dans ces situations. Guillaume Canet a su aussi jouer de façon à ne pas inspirer la pitié ; c’est une prouesse à saluer. Son combat pathétique est celui du soldat qui défendrait sa vie avec des armes aussi efficaces que celles des jouets d’enfants. Situations d’angoisses impuissantes, hallucinées ou cauchemardesques qu’ont connu à un moment ou à un autre au cours de leur maladie la majorité des personnes narcoleptiques.

Les relations professionnelles apparaissent volontairement caricaturées dans leur aspect répétitif et comique sur le mode de la bande dessinée et du clip vidéo. Bon nombre de narcoleptiques peuvent aussi vous dire que ce n’est pas de la caricature. Le patron qui devient incapable de gérer son entreprise, l’ouvrier qui se fait engueuler comme un gamin paresseux par un chef excédé ou seulement soucieux de la bonne marche de son équipe, ce sont des expériences qui conduisent au manque de confiance en soi, aux idées noires et à une désocialisation progressive et inéluctable. Le film ne montre pas l’autre paradoxe qui en découle : la difficulté de faire reconnaître son handicap scolaire ou professionnel par les organismes qui le devraient. Être désocialisé ou marginalisé amène à rencontrer d’autres êtres dans la même galère quelles qu’en soient les raisons. La camera les filme sans pitié, avec respect et sympathie : ils sont fous et complètement déjantés ces barjots ! Benoît Poelvoorde est à l’aise dans ce rôle qui lui colle à la peau comme un kimono au karatéka. Il n’hallucine pas comme son ami : son rêve est de s’identifier à une vedette qu’il n’est pas. Est-ce une prouesse filmographique de faire jouer à Jean-Claude Vandamme son propre rôle de rêveur mystique et un peu illuminé qui croit dur comme béton dans des paroles lénifiantes et simplistes ?

ce film réussit à nous faire vivre de l’intérieur ce que vivent les personnes narcoleptiques

Après cette avant-première en projection privée du congrès de la SFRS à Bordeaux, beaucoup de participants qu’ils soient narcoleptiques ou “normaux” ont avoué ne plus savoir, à la fin du film, si ce que vivait chacun des personnages du film était de l’ordre du rêve, de l’hallucination ou de la réalité. C’est encore l’une des qualités de ce film : faire vivre de l’intérieur ce que peut éprouver une personne narcoleptique quand elle reçoit en plein cerveau ce bombardement d’images sans pouvoir faire immédiatement la distinction entre ses rêves et la réalité.

Il est important de faire des distinctions, pour bien comprendre dans ce film les différentes manifestations de la narcolepsie. Les rêves des narcoleptiques sont les mêmes que ceux des gens normaux. On les dit cependant plus riches et plus imaginatifs. En clin d’œil aux psychologues de tous bords, ils peuvent donner lieu aux mêmes mécanismes d’analyse freudienne. Les hallucinations sont d’un autre ordre. Elles sont le signe d’un dysfonctionnement cérébral et se produisent essentiellement en période d’éveil comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu sans nuage. Voir des personnes qui n’existent pas, entendre des bruits ou des voix imaginaires, ressentir dans son corps des sensations non réelles, ce cocktail des diverses hallucinations revêt parfois un caractère détonant et le film le rend bien. Tout le problème est celui de leur interprétation par la personne qui les éprouve ou par la personne à qui cela est raconté. L’idée queGUSTAVE KLOPP émet à la fin du film : “on lui veut du mal, on veut le tuer” peut s’analyser, à un certain niveau, comme une interprétation sur le mode de la persécution paranoïaque.

Souvent les personnes narcoleptiques hésitent à parler de ces “hallu” comme elles les nomment. Elles-mêmes doutent de leur intégrité mentale et surtout elles ont très peur d’être considérées comme des schizophrènes ou des paranoïaques si elles les racontent à leur médecin. Existent enfin, produites dans un état de semi somnolence, des pensées de rêves dites hypnagogiques au moment du coucher ou hypnopompiques au moment du réveil. Rien à voir avec la pédagogie ou les pompes à vélo ! Ces dernières, qui semblent être de petits fragments de rêves, sont produites dans un état de semi somnolence et se manifestent au moment du coucher ou du réveil principalement chez les narcoleptiques, par exemple, lorsque Gus voit son père mort venir lui parler à l’hôpital. L’une des hypothèses est qu’il s’agit de fragments de rêves qui pénètrent dans le système perception conscience alors que le rêve devrait rester dans l’inconscient. Des intruses en quelque sorte, pensées martiennes de petits hommes verts égarés sur notre planète bleue. “Bizarres, bizarres ! Vous avez dit bizarres !” Lors de ces productions mentales, les fonctions du cerveau narcoleptique peuvent se trouver exacerbées. Je me souviens d’avoir eu la sensation d’entendre un bruit effrayant de tôles froissées tout en ayant l’impression d’être salement secoué en tombant dans un profond fossé. “Bien fait pour toi ! Tu l’as enfin eu TON accident tant redouté. C’est fait ce ne sera plus à faire !” commente une voix railleuse dans mon cerveau. Redoutant la survenue du sommeil pendant une longue route, je m’étais écarté de la route pour dormir quelques courtes minutes et un jeune chien fou venait simplement de poser les coussinets de ses pattes sur la vitre de ma portière avant en me regardant d’un air étonné. À ma montre, je venais de dormir trois minutes. Ce n’est pas une raison pour apporter des boules Quiès à la séance mais attendez vous à des surprises.

les scènes d’agressivité de GUS

Le scénario ne fait intervenir les scènes d’agressivité de GUS que vers la fin de l’histoire alors qu’il se dit guérit. Comment les interpréter ? Est-ce le début de ses capacités de faire face, de se prendre en main, de sortir d’une passivité proche de la dépression ? Sans doute tout cela à la fois. Il n’est pas agressif contre les personnes : il l’est de façon impulsive, en passant à l’acte sans avoir réfléchi auparavant. Il s’en prend aux objets pour marquer son désaccord. Ces accès brusques d’agressivité existent chez beaucoup de narcoleptiques sur le même mode que dans le film. Sont-ils dus aux effets secondaires de certains médicaments ? C’est possible, mais l’agressivité peut aussi exister chez des personnes malades qui n’en prennent pas. Les raisons et les mécanismes de ces crises, durant lesquelles la personne narcoleptique ne se reconnaît pas elle-même, ne sont pas encore clairement expliqués. Cela fait sans doute appel à des fonctions de défense, profondes et de l’ordre des mécanismes de survie brusquement activés alors qu’avant elles étaient mieux contrôlées.

Ce moyen de faire face est utilisé par GUS mais il n’est pas le seul. Exprimant depuis l’enfance ses peurs et ses rêves bizarres par des dessins, il a un jour l’idée de faire des BD. Cela ne fait que provoquer un supplément d’incompréhension et d’exaspération chez PAM et l’indifférence de LENNY. Il va aussi en parler lors des séances de thérapie et cela va déclencher un intérêt certain chez PUPKIN son thérapeute. Ne vous y trompez pas, l’intérêt n’est ni psychologique, ni purement esthétique ; il est frauduleux. Ce qui permet à GUS de faire face et de vivre risque aussi de devenir ce qui peut causer sa mort.

Qui est normal et qui ne l’est pas ?

Le film nous plonge parfois dans un délire imaginatif dans lequel se mêlent flash back, mafia, tueurs névrosés contrat et loufoqueries dans le plus pur style des parodies de thriller. Qui rêve ? Qui hallucine ? Qui est normal et qui ne l’est pas ? GUS apparaît comme un pierrot innocent et endormi, victime des autres plus que de ses troubles.

Mais, contre toute attente des méchants traîtres et traficoteurs, Morphée et ses copines les Parques ont décidé ni de le garder ni de couper les fils de pantins qui le retenaient à la vie. GUSrevient à lui, comme s’il sortait d’un long accès de narcolepsie durant lequel il aurait rêvé tout ce qui lui est arrivé. La vie reprend son cours, banal, aseptisé, avec ses déceptions, ses mensonges et ses manœuvres frauduleuses dont il ne prend conscience que progressivement.

Gus décide qu’il est guéri et que sa vie va changer

Aussi brusquement qu’il avait décidé de faire des bandes dessinées, qu’il croit ratées, pour gagner sa vie, il décide qu’il est guéri et que sa vie va changer du tout au tout. Mais cette fois-ci, il n’en parle à personne. Cette décision c’est lui qui la prend, comme s’il suffisait de le décider seul pour guérir de cette maladie.

Cette affirmation est l’un des points qui fait le plus réagir les personnes atteintes de narcolepsie. On peut toujours rêver ! On peut en faire une BD filmée ! On peut toujours l’imaginer ! Beaucoup de personnes narcoleptiques l’ont rêvé : “ça y est ! ça marche ! J’ai trouvé comment me guérir de mes “attaques” de sommeil !”. Cela dure un jour, quelques jours, voire quelques mois, puis c’est le retour à la dure réalité de la tyrannie charmeuse de Morphée. Aucun exemple de personne atteinte de cette pathologie, réellement diagnostiquée, n’est venue contredire cette affirmation médicale : il y a des rémissions tardives des épisodes de cataplexie, il peut y avoir des modifications dans la gravité des accès de narcolepsie. Aucun cas de guérison de narcolepsie n’est rapporté jusqu’à ce jour dans les annales médicales. Dommage, car cela serait un espoir pour essayer de comprendre comment prendre en charge cette maladie. D’ailleurs, lors d’une interview, retrouvé sur Internet, Gilles Arrouet reconnaît : “…juste le fait que Gustave Klopp guérisse de sa maladie en sortant du coma où l’a plongé son accident. C’est absolument impossible dans la réalité. “

De fait, cette affirmation in petto de GUS est à prendre en compte dans la suite du déroulement du film. Il va se servir des symptômes de la maladie dans sa relation aux autres, non plus en les subissant mais en ayant un certain contrôle sur eux. Ce qui peut changer beaucoup de choses dans la vie des personnes narcoleptiques, c’est leur façon de vivre et de s’adapter aux manifestations de leur maladie. Les différentes réactions se situent entre deux oppositions, soit il y a abandon du contrôle de soi-même sur un mode passif et dépressif, soit il y a réaction, lutte voire négation de la maladie en essayant de maintenir coûte que coûte un contrôle. Quant à GUS, après être passé par une première phase de relative passivité, en début de film, il va se mettre à mener une vie différente, socialement correcte, apparemment dénuée de surprise et semblable à celle de tous ses concitoyens : famille, travail, habitation pavillonnaire, attaché case noir et voiture, autre déclinaison de “métro boulot, dodo”. Il est redevenu “normal” : c’est ce que tendraient à montrer les dernières images du film. Quel est le meilleur ? La souffrance de la narcolepsie avec la fulgurance d’un imaginaire débridé et créateur ou bien le vécu d’une réalité banale et sans surprise ? Il faut sans doute avoir éprouvé un certain niveau de souffrance et de handicap – quelle que soit cette souffrance ou ce handicap – pour oser répondre à cette question.

Que manquerait-il donc à ce film qui suggère plus qu’il n’explicite et qui raconte plus qu’il ne démontre ?

Vouloir qu’un film soit différent de ce qu’il est, pour devenir ce que nous souhaiterions qu’il soit, est un mauvais procès. Ce ne serait plus le même film, ce serait une autre histoire, ce ne serait plus le même plaisir, ce serait un autre divertissement. Analysons donc les manques ou les regrets que certaines personnes, atteintes de narcolepsie, ont pu exprimer à la fin de la projection de Bordeaux. Il faut commencer par écarter l’hypothèse d’un film au sujet de la narcolepsie. Ce n’en est pas un et c’est très bien ainsi.

C’est l’une des ambiguïtés du film – est-elle volontaire ? – de mélanger les différentes formes du fonctionnement cérébral de l’imaginaire en cause dans les rêves ou les hallucinations. Les aspirations utopiques remplissent-elles la même fonction psychologique que les rêves des narcoleptiques décrits comme riches et compliqués ? Ce film amènerait à penser que ce sont les mêmes mécanismes cérébraux qui sont en jeu dans la production des rêves de la phase paradoxale, des hallucinations et des pensées de rêves. Il y a là matière à tout un débat d’écoles entre scientifiques défenseurs du tout psychologique ou du tout physiologique. Un détail à corriger retrouvé dans les interviews au sujet de ce film : une personne normale ne met pas “deux trois heures à atteindre” la phase paradoxale et le rêve mais quatre-vingt-dix minutes environ. Il est vrai que le narcoleptique peut le faire en quelques dixièmes de seconde. C’est là encore un mystère sur lequel la science se penche actuellement et c’est sans doute la chance des narcoleptiques d’y trouver une explication à leur maladie et un soin possible.

Dans ce film, la satire est féroce vis à vis des médecins et encore plus vis à vis du psychiatre qui est franchement tourné en ridicule dans sa pratique de psychothérapie de groupe. Ce film ne montre rien de la relation de GUS adulte à son médecin et c’est dommage. Il est vrai que des médecins conseillent encore à certaines personnes narcoleptiques d’engager une psychothérapie parce que, ignorants de la narcolepsie, ils classent encore les troubles qu’ils observent dans les troubles névrotiques ou psychosomatiques. Ces personnes non encore diagnostiquées narcoleptiques ou consultants des spécialistes médicaux ou des psychologues adeptes de la toute-puissance de l’inconscient ont pu entendre les interprétations ou les hypothèses les plus culpabilisantes : “Vous ne croyez pas que c’est pour embêter vos parents que vous faites cela ? …”, “Quels avantages avez-vous à fuir dans le sommeil une réalité qui ne vous convient pas ? Etc. …

La plupart du temps cependant, quand le diagnostic est posé et que le psychologue connaît correctement cette pathologie, une aide sur un autre mode peut s’engager. Aider à vivre ce handicap et à y faire face avec ses moyens personnels et sa personnalité, s’avère souvent très efficace et très profitable. Les personnes narcoleptiques qui peuvent le faire sont celles qui sont déjà diagnostiquées et qui savent que leur bien-être passent par une aide médicale suivie, ne serait-ce que pour bénéficier éventuellement du médicament “d’exception” – qui ne veut nullement dire exceptionnel – qui leur est prescrit.

Sous forme métaphorique, il serait possible d’entendre plusieurs avertissements dans ce film. “Attention, c’est une arnaque ! Le psychothérapeute se sert de vous pour gagner encore plus d’argent à vos dépens.” – “Le thérapeute en veut à votre peau . Il vous laisserait crever pour profiter encore plus de vous” Voire “Le thérapeute intervient, en collusion avec vos proches, pour vous démolir totalement.” C’est l’une des critiques les plus importantes à faire à ce film. Elle prête toutefois à discussion.

Le film ne montre pas non plus GUS en relation avec les organismes sanitaires ou sociaux. Cependant, il existe, en quelque sorte, un scandale sanitaire dont les pouvoirs publics se moquent éperdument. Aucune autre maladie en France ne peut se prévaloir d’être autant sous-diagnostiquée de façon presque délibérée. Nos gouvernants et les responsables du ministère de la Santé doivent savoir qu’une personne sur 2 000 est atteinte de cette pathologie. Faites un rapide calcul mental, cela fait environ 20 000 personnes pour notre pays. Ce n’est qu’une hypothèse ! Consultez les statistiques officielles de ce même ministère de la Santé. Il n’y a qu’une seule personne sur 4 diagnostiquée. Mais que deviennent les 3 autres ? Comment vivent-elles d’être malades sans savoir ce qu’elles ont ? Ce sont des GUS qui galèrent !

Si ce film est démonstratif, il l’est dans ce sens. Diagnostiqué jeune d’une maladie “sans médicament”, – donc, sous-entendu, sans traitement – notre GUS va devoir se débrouiller seul, sans aide. Treize ans de galère était la moyenne récente entre le moment où une personne atteinte de narcolepsie allait se confier à un médecin et le moment où la maladie était correctement diagnostiquée et traitée. L’histoire de GUS c’est cet intervalle de temps, fait d’ennuis de toutes sortes, d’incompréhension, de moqueries, de difficultés relationnelles familiales, amicales, professionnelles et de désinsertion sociale plus ou moins importante. Le mérite de ce film c’est de mettre sur la place publique ce “scandale”. Il est permis d’en rire si cela permet aux “biens portants” la déculpabilisation nécessaire pour aborder “autrement” leur relation à ce handicap et aux autres handicaps.

La France mérite un bonnet d’âne dans sa relation aux handicaps et aux handicapés

Dans ce domaine, ce n’est pas la poudre aux yeux des fracassantes déclarations officielles de l'”année du handicap” et autres petites pièces jaunes de même valeur qui vont y changer quelque chose. La France, en termes de mentalité en général et en termes d’action des pouvoirs publics, mérite presque le bonnet d’âne dans sa relation aux handicaps et aux handicapés. La mentalité oscille entre l’enfermement doré dans un ghetto – “ces gens-là devraient rester chez eux !” – ou la commisération télévisuelle sonnante et trébuchante. La France achète sa bonne conscience, ce n’est pas le moindre de ses paradoxes. Elle qui possède, de façon reconnue, l’un des meilleurs systèmes de santé au monde, se voit régulièrement montrer du doigt pour son attitude vis à vis des handicapés, malgré ses efforts pour rattraper ses retards. “Peut mieux faire … !”

L’aide apportée par les associations de malades et d’handicapés et les institutions qu’elles ont créées, ne viennent pas en complémentarité d’une action gouvernementale concertée. Elles pallient des manques criants. L’une des très rares occasions où il est question de la narcolepsie dans les textes officiels français est faite, dans un cadre de coercition, pour les trouver dangereux dans la conduite automobile. Ceci, dans les faits, pour les narcoleptiques diagnostiqués et soignés, est une contre-vérité selon des études anglo-saxonnes et se passe au moment où l’on parle de l’année du handicap. Il a fallu les réactions des associations de malades et des médecins spécialistes du sommeil pour atténuer ce que ces textes avaient de trop répressifs. Il y était prévu de “punir” ceux qui ignoraient qu’ils étaient malades, sans que l’on cherche encore à les dépister.

Il est peut-être significatif, à ce titre, que les dernières images du film montrent GUS arrivant chez lui au volant de sa voiture. Cette scène qui paraît anodine, après avoir montré de façon forte les manifestations extrêmes de la narcolepsie, illustre magistralement toute l’ambiguïté de la loi française et celle des personnes obligées éventuellement de biaiser pour ne pas se laisser enfermer dans le seul ghetto – fut-il doré – que leur laisse une loi mal faite et incompréhensible. Eux qui doivent lutter pour ne pas s’isoler chez eux et se désinsérer de la société, notre gouvernement veut leur ôter le moyen le plus important de sortir de leur univers. Quant aux autres, ceux qui ne conduisent pas ou ne veulent pas conduire, ils n’intéressent pas nos gouvernants et peuvent rester dans l’ignorance du nom d’une maladie qu’ils ne connaissent pas et qui leur cause tant de problèmes.

Dans de nombreux pays existent une spécialité médicale des troubles du sommeil. Ce sont des médecins français qui, exilés aux État-Unis, ont contribué à y créer cette discipline avec leurs collègues d’outre-atlantique. La France refuse cette possibilité, tant pis pour les “gus” qui en souffrent. Faudra-t-il un jour utiliser les mêmes méthodes de lobbying ? Ce film pourrait en être l’occasion. Le nouveau directeur de la Santé a reconnu publiquement, et sans aucune honte, lors d’un très récent colloque de l’Assemblée Nationale sur les troubles de la vigilance et la conduite automobile : il n’a trouvé aucun dossier sur les pathologies du sommeil en arrivant à son ministère et sa seule proposition – sans aucun sens du comique – était de faire une commission pour étudier ce problème. Pourquoi pas un film ?

Alors, réveillez-vous et courez vite voir ce film. L’histoire est parfois à dormir debout, mais le plaisir est toujours au rendez-vous.

Marcel Rousseau

ercase;”>état-Unis, ont contribué à y créer cette discipline avec leurs collègues d’outre-atlantique. La France refuse cette possibilité, tant pis pour les “gus” qui en souffrent. Faudra-t-il un jour utiliser les mêmes méthodes de lobbying ? Ce film pourrait en être l’occasion. Le nouveau directeur de la Santé l’a reconnu publiquement, et sans aucune honte, lors d’un très récent colloque de l’Assemblée Nationale sur les troubles de la vigilance et la conduite automobile : il n’a trouvé aucun dossier sur les pathologies du sommeil en arrivant à son ministère. Sa seule proposition – sans aucun sens du comique – était de faire une commission pour étudier ce problème. Pourquoi pas un film ?

Alors, réveillez-vous et courez vite voir ce film. L’histoire est parfois à dormir debout, mais le plaisir est toujours au rendez-vous.

0 0 votes
Notation de l'article
S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x