Des troubles neurologiques rares liés au vaccin anti H1N1

Le-FigaroPar Anne Jouan – le 10/09/2013

 

Une étude fait le lien entre les vaccinations massives fin 2009 et une soixantaine de cas de narcolepsie en France.
Publiée fin juillet dans la revue spécialisée Brain , une étude établit pour la première fois un lien en France entre la grande campagne de vaccination contre le virus de la grippe H1N1 de l’hiver 2009 et plusieurs cas de narcolepsie chez les enfants et les adultes.


La narcolepsie est une maladie très rare (1 cas sur environ 3300 à 5000 personnes), caractérisée par un important besoin de sommeil et par des endormissements incontrôlés plusieurs fois par jour, pouvant survenir à n’importe quel moment de la journée (quand le sujet est au volant, dans la rue ou même en train de parler). Elle est souvent associée à des crises de cataplexie, une perte soudaine du tonus musculaire déclenchée par une forte émotion, ce qui peut entraîner une chute alors même que le patient est éveillé. Alain de la Tousche, le président de l’Association française de narcolepsie cataplexie, lui-même atteint de cette maladie, raconte ainsi lors d’une crise avoir entendu son entourage s’écrier: «Mais il est mort!»
Cette nouvelle étude a été menée par une équipe de chercheurs français, dont l’un des meilleurs spécialistes mondiaux de la discipline, le Pr Yves Dauvilliers, neurologue et directeur du laboratoire de sommeil au CHU de Montpellier. Elle a été financée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en 2010.
Jusqu’à présent, seules des études épidémiologiques avaient mis en évidence, et ce dès 2010, un lien entre la vaccination pandémique de fin 2009-début 2010 en Europe et des maladies neurologiques invalidantes. Ces travaux, réalisés en Finlande et en Suède, concluaient à une augmentation significative des cas de narcolepsie chez les enfants. D’autres études menées en Angleterre et en Irlande aboutissaient aux mêmes conclusions, mais toujours chez les enfants.
Certains malades reconnus handicapés à 80%
L’hiver 2009, 5,7 millions de personnes en France ont été vaccinées contre la grippe H1N1. Parmi elles, 4,1 millions ont bénéficié du Pandemrix (GlaxoSmithKline) et 1,6 million, généralement les femmes enceintes et les nourrissons, du Panenza (Sanofi). C’est donc moins de 10% de la population qui a été immunisée alors que Roselyne Bachelot, ministre de la Santé à l’époque souhaitait une couverture vaccinale de l’ordre de 50%.
Aujourd’hui en France, les chercheurs estiment qu’environ une soixantaine de patients souffrent de narcolepsie-cataplexie à la suite de la vaccination H1N1. Sachant qu’en moyenne, il faut trois mois entre le vaccin et les premiers symptômes.
Pour mener à bien leur étude, les scientifiques ont planché sur les effets de plusieurs vaccins et pas seulement le H1N1: ceux contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos, et la grippe saisonnière. «Or un seul vaccin a des liens avec la narcolepsie: le H1N1», explique le Pr Dauvilliers. Pour les chercheurs, le Pandemrix serait aussi concerné que le Panenza.
Les malades espèrent que cette étude marquera une avancée pour leur indemnisation. Si certains sont reconnus handicapés à 80% et perçoivent à ce titre des pensions d’invalidité, leur préjudice n’a jusqu’à présent jamais été indemnisé. L’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam) fait actuellement des propositions, mais elles sont considérées comme minimales par les malades, de l’ordre de quelques dizaines de milliers d’euros. En achetant des millions de doses de vaccins à l’industrie en 2009, la France a pourtant signé une clause: en cas d’effets indésirables, c’est l’État qui prendra en charge les indemnisations des éventuelles victimes et non les laboratoires.
«Ce n’est pas parce que l’industrie n’est pas responsable qu’elle ne doit pas reconnaître a posteriori les effets secondaires», observe le Pr Dauvilliers. Dans le cas des vaccins H1N1, les laboratoires ne pouvaient pas inscrire la narcolepsie-cataplexie sur la liste des effets secondaires puisqu’ils ne connaissaient pas, et ne pouvaient suspecter, ce lien de cause à effet, assure ce spécialiste. Il n’y a donc pas eu tromperie de leur part.