Douleur chronique dans la narcolepsie type 1 et type 2 – une réalité sous estimée.

Contexte

La narcolepsie est un trouble chronique du sommeil caractérisé par un dysfonctionnement du sommeil paradoxal (PS) et une somnolence diurne excessive. L’absence d’hypocrétine-1 (Hcrt-1), un peptide produit par l’hypothalamus, est responsable pendant l’éveil d’un symptôme la cataplexie. L’existence de cataplexie différencie ce trouble en narcolepsie de type 1 (NT1), alors que l’absence de cataplexie associé à un taux élevé de Hrct-1 caractérise une narcolepsie de type 2 (NT2). L’hypocrétine-1 au niveau central et périphérique joue un rôle dans les phénomènes de perception sensorielle, notamment la nociception, la réaction à la température et la douleur. Alors que l’incidence d’une douleur chronique a été fréquemment décrite chez les patients NT1, rien n’était connu chez les patients NT2.

L’objectif de cette étude a été de déterminer conjointement la fréquence et les caractéristiques de douleurs chroniques chez des patients NT1 et NT2 comparativement à des sujets contrôles (CRL) et de rechercher les interactions éventuelles entre l’état nutritionnel apprécié par l’indice de masse corporelle (BMI, poids en kg/ taille en mètres2) et le type de narcolepsie en relation avec le taux de Hcrt-1.

Méthodes

L’étude a été conduite dans le Département de Psychobiologie de l’Université Fédérale de Sao Paulo, Brésil. A partir de la classification internationale des troubles du sommeil (American Academy of Sleep Medecine, 2014), 33 patients NT1 (âge 36,3± 9,7 ans ; 69,7 % de sexe féminin) et 33 patients NT2 (âge 35,7 ± 10,8 ans ; 69,7 % de sexe féminin) ont été inclus et comparés à 33 sujets contrôles (CRL) appariés en tranche d’âge (18-60 ans) et sexe. Les critères d’exclusion pour les patients NT1 et NT2 ont été la prise de médicaments antalgiques type opiacés ou d’anti-inflammatoires et pour les sujets CRL la plainte d’insomnie, de troubles respiratoires ou d’hyper somnolence. Chaque participant après une consultation médicale devait répondre : (a) au questionnaire spécifique de douleur avec les items: présence (douleur chronique perçue pendant 3 mois ou plus); intensité (selon une échelle de 0 à 10); fréquence; catégorie (faible, échelle 0-3 ; modérée de 4-6 ; intense de 7-10) ; localisation de la ou des douleurs ; (b) au questionnaire Mc Gill (MPQ), un outil pour mesurer la qualité de vie; puis classé en fonction de son indice de masse corporelle : normal (BMI<25,0 kg m-2) ; en surpoids (25 30kg m-2).

Résultats

Les caractéristiques démographiques : genre, âge, ethnie, niveau d’éducation et occupations n’ont pas été significativement différentes entre les groupes. Le pourcentage de dépression traitée par antidépresseurs s’est avéré plus élevé chez les patients NT1 et NT2 que chez les sujets CRL. L’index BMI était plus élevé chez les patients NT1 que chez les patients NT2 et les CRL du fait d’un fort pourcentage d’obeses. En effet, l’obésité était présente chez 5 CRL (15, 2%), 18 NT1 (58, 5%) et 2 NT2 (6,1%). La polysomnographie a mis en évidence une diminution du temps de latence du sommeil et une augmentation du nombre d’épisodes apnée-hypo-apnée et de mouvements des jambes dans le groupe NT1 comparativement au groupe NT2 mais sans modification significative des autres paramètres (efficacité du sommeil ; latence d’apparition du PS). Par ailleurs, 93,9 % des patients NT1 versus 19, 2 % des patients NT2 étaient porteurs de l’antigène HLA DR1501 DQB1*0602 et présentaient des taux bas de Hcrt-1 dans le LCR (31,25 ± 30,85pg/mL versus 377, 59 ±105, 51pg/mL).

La survenue de douleurs chroniques était fonction du type de narcolepsie, les pourcentages de fréquence étant respectivement 20 et 11 fois supérieurs chez les patients NT1 et NT2 versus les CRL (84,84% pour le type NT1 et75,75% pour le type NT2) mais sans modification significative des caractéristiques de la douleur. Les risques relatifs calculés s’établissaient alors à 20,8 pour le type NT1 et 11,6 pour le type NT2 comparativement aux CRL. Chez les patients obeses NT1 et NT2 comparativement aux sujets CRL, aucune différence significative de l’intensité de la douleur n’a été mise en évidence en dépit d’un pourcentage de douleur significativement plus élevé chez les obeses (80%) que chez les normaux (49%). Comparativement aux CRL, les patients NT1 et NT2 se plaignaient de douleurs journalières, continues ou transitoires plus fréquentes affectant par ordre la tête> région lombaire> membres supérieurs>l membres inférieurs>région cervicale. De plus, les patients NT1 comparativement aux CRL présentaient un pourcentage plus élevé de douleur de faible intensité (30,3% vs 9,1% ) ou d’intensité modérée (54,5% vs 9,1%) ; la douleur ressentie étant plus fréquente au niveau de la tête (60,6% vs 15,2%) ou au niveau lombaire (51,5% vs 3%). Enfin, l’intensité de la douleur a été corrélée au statut nutritionnel puisque plus intense chez les patients NT1 et NT2 que chez les sujets CRL et ce pour un BMI normal ou un BMI surpoids des individus.

Conclusions

Cette étude est la première à s’intéresser à la douleur chronique comme co-morbidité dans la narcolepsie de type 2. Sa mise en évidence est fonction de la méthode d’analyse utilisée. A l’aide de questionnaires spécifiques vs interviews cliniques, les auteurs ont montré cependant l’absence de caractéristiques spécifiques de la douleur entre les 2 entités NT1 et NT2. Les auteurs associent la perception d’une douleur chronique à la dépression chez ces patients et soulignent que l’intensité de la douleur chronique ne diffère pas entre patients NT1, NT2 et sujets CRL obèses contrairement aux patients NT1 et NT2 avec BMI normal ou surpoids chez lesquels l’intensité de la douleur était plus forte. Ces résultats demandent à être valider sur des cohortes patients-contrôles plus importantes afin d’approfondir le lien potentiel qui existerait entre dysfonctionnement hypothalamique/douleur chronique et narcolepsie.

Article original

Chronic pain in narcolepsy type 1 et type 2-an unestimated reality.

R.C Cremaschi, C Hirotsu, S Tufik, F.M Coelho, J Sleep Res, 2019, Jun;28(3)1-7.

Rédaction

Dr Nicole SARDA Chercheur SciensAS’s – INSERM.

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