Un poisson insomniaque facilite l’étude du sommeil

Un poisson insomniaque facilite l’étude du sommeil

LES POISSONS aussi dorment. Mais certains souffrent, d’insomnie. Du moins lorsque leurs neurones sont privés d’un récepteur à hypocrétine ; une molécule impliquée, chez les mammifères, dans là régulation du sommeil. C’est la conclusion de travaux conduits par l’équipe d’Emmanuel Mignot (Stanford, University) et présentés dans la revue PLoS Biology, mardi 16 octobre.

« Notre but était de voir si le poisson zébré pouvait être utilisé comme modèle dans l’étude du sommeil », explique le chercheur. En 1999, il avait identifié le gène responsable de la narcolepsie chez le chien. Cette maladie, qui touche une personne sur 2000, se caractérise par des assoupissements incontrôlables et des troubles du sommeil. Les labradors et dobermans, narcoleptiques étudiés à Stanford présentaient une mutation du récepteur à hypocrétine, alors que chez l’homme, c’est la molécule stimulant ce récepteur, qui fait défaut.

« La question était de savoir si un autre modèle animal présentant une mutation similaire montrerait les mêmes troubles », résume Emmanuel Mignot. Alors que l’entretien, d’un chien, coûte 19 000 euros par an, le poisson zébré a l’avantage de multiplier à faible coût les générations et les mutations. Il est en outre transparent, ce qui facilite l’étude de son système nerveux in vivo.

Avant tout, il a fallu définir ce qu’est un poisson endormi. S’il ne bouge pas pendant plus de six secondes, c’est qu’il sommeille. Les chercheurs sont parvenus à cette conclusion en appliquant à des poissons zébrés, durant la nuit, de petits chocs électriques qui les maintenaient actifs. Ensuite placés dans l’obscurité sans ces stimuli ces poissons « récupéraient ». En restant immobiles plus longtemps, alors qu’ils ne modifiaient pas leur comportement diurne.

Rêvent-ils ?

A l’inverse, les poissons zébrés mutants dormaient 30 % de moins que leurs congénères normaux. « Nous nous attendions au contraire à des phénomènes de type narcoleptique, comme chez le chien ou l’homme,raconte Emmanuel Mignot. Cela tient au fait que les neurones à hypocrétine du poisson ne se projettent pas dans la même partie du cerveau. »

Ces observations ouvrent des hypothèses sur l’évolution du sommeil : dépourvus de paupières, les poissons sont tenus en éveil par la lumière pendant la journée, tandis que les vertébrés supérieurs – en particulier les mammifères -, capables de sommeiller le jour, auraient vu leur système de régulation de l’endormissement et de l’éveil se modifier au fil des âges. Pour retracer cette histoire, Emmanuel Mignot espère étudier d’autres espèces. Et en mesurant l’activité cérébrale chez les poissons, il ne désespère de répondre un jour à une question plus spéculative : rêvent-ils ?

HERVÉ MORIN

ce que ne dit pas cet article du Monde : Emmanuel Mignot est un médecin français, travaillant aux EU, dans le seul établissement au monde n’accueillant que des personnes narcoleptiques. En France, il lui était impossible de faire de telles recherches.

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