(critique) : La fille qui dort de Florence Hinckel

Roman : la fille qui dort

Voilà un livre excellent dont je vais commencer par ne dire que du bien, tellement il est bien fait et agréable à lire : à mettre entre toutes les mains, en somme. Cependant, nobody is perfect, il appelle quelques remarques. C’est aussi le but de ces lignes.

l’auteur

Florence Hinckel écrit des livres pour adolescents : “Confidences entre filles” avec Isabelle Maroger (Poche – 20 septembre 2007) “Clopes en Stock” (Broché – 1 octobre 2005) “Le Lézard de l’Alcazar” avec Silvio Usaï (Broché – 12 juillet 2007) “Maï la minotte enquête : Le panier aux mystères” avec Laurent André (Broché – 30 novembre 2003)

L’histoire :

Johanna, 15 ans, qui écrit son journal intime à la première personne, raconte sa vie, sa relation à une mère très spéciale, ses rêves d’adolescente, les relations à ses amies et amis, ses premiers sentiments amoureux, sa passion pour le théâtre et le rôle d’Antigone en particulier.

Rien ne devrait la distinguer des autres, sauf qu’elle découvre qu’elle est atteinte d’une maladie rare : la narcolepsie cataplexie. La fille qui dort, c’est ainsi que les autres lycéens vont la désigner.

Le livre est écrit dans un style plein d’humour qui veut toucher les adolescents des deux sexes. Il ne cède jamais à la facilité de langage. L’option de l’auteur est clairement de montrer le chemin parcouru en une année scolaire par Johanna qui subit d’abord les symptômes de sa maladie puis choisit d’y faire face quand le “nom” de sa maladie lui est révélé. Elle décide de vivre avec après avoir vécu un court épisode dépressif. Tout est juste, décrit avec humour et bien observé, à commencer par les démarches faites par sa mère, Pélagie, soucieuse de comprendre les bizarreries qui arrivent à sa fille. À sa façon elle la soutient, même si Johanna la trouve parfois excessive et encombrante.

la galère

Elle doit aussi affronter les commentaires et les conseils inappropriés donnés par l’entourage. “J’en entends de belles, des bêtises tout le temps. Chacun y va de son petit commentaire énervant” (p 15)Pour faire face à son incontrôlable envie de dormir, qui l’empêche de profiter de la vie qui l’appelle, Johanna reconnaît : “Mieux vaut que je reste bien éveillée. Ces temps-ci j’essaie tout ce qui peut m’y aider : guarana, café, vitamine C… Mais c’est le thé que je préfère, même si rien n’a d’effet probant” (p 17). Après les symptômes de la narcolepsie avec ses endormissements irrépressibles au cours de la journée, vont apparaître ceux de la cataplexie avec ses pertes de tonus incompréhensibles et ses chutes plus ou moins dangereuses.

la recherche d’un sens

Encore dans la phase de recherche d’un sens à ses symptômes bizarres Johanna est “trimballé” par une mère bavarde et perturbante, parce que anxieuse, de médecins en spécialistes. “Qu’il soit généraliste, acupuncteur, magnétiseur, homéopathe ou phallocrate, chacun m’a donné un diagnostic différent” (….) “pour confondre mes symptômes avec ceux d’une épilepsie ou d’une spasmophilie, il faut vraiment être perturbé (…) Je rends hommage à l’un d’entre eux qui a avoué n’avoir aucune idée de ce que j’ai”. (p 33)Cure de magnésium, homéopathie, acupuncture, magnétisme, sont les voies de garage thérapeutiques souvent empruntées par les personnes narcoleptiques ou les médecins qui n’ont jamais été formés, en France, pour connaître les mécanismes physiologiques du sommeil ni pour en dépister les troubles.

Après le 13ème médecin, Pélagie commence à tenter des interprétations sauvages et psychologisantes. C’est à cause de ton père tout ça ? (…) C’est peut-être inconscient tu ne crois pas.” (p 28)Combien d’adolescents narcoleptiques ont eu ainsi à se confronter à des psys ou des psychanalystes plus dogmatiques et moins intelligents que ne l’est Héléna, la psy que Johanna finit par prendre plaisir à aller voir. Celle-ci a l’intelligence parfois de sortir de l’orthodoxie de son rôle mais qu’importe ou plutôt, tant mieux si c’est pour le profit de Johanna. Ce qui soigne c’est la relation que le patient établi avec son thérapeute, ce n’est pas le fait que celui-ci fait entrer les problèmes de son patient dans les théories, psychanalytique, cognitiviste ou comportementaliste. Il y aurait beaucoup à dire sur les “facteurs environnementaux” qui participent au déclenchement de cette maladie rare. Dans ce livre, Florence Hinckel choisit délibérément les éléments psychologiques, mais ce ne sont pas les seuls. Bien sûr, quand on ne sait pas nommer un trouble, il est tentant de le qualifier de dépression surtout quand cela se manifeste par le sommeil. Heureusement pour elle, Johanna ne va pas voir de psychiatres. Combien d’adolescents narcoleptiques se sont fourvoyés et se fourvoient encore dans cette démarche lorsque le psychiatre, pas plus que les autres médecins, ne connaît les troubles du sommeil.

Enfin, avec le 18ème médecin, arrive le diagnostic libérateur.“Je. Suis. Malade. Dans un premier temps, je manque lui sauter au coup au Docteur Spock. Voilà, la preuve est faite que je ne suis ni bizarre ni flemmarde, ni issue de la planète Mars. Je peux enfin mettre un nom sur mon mal : narcolepsie.” (p 37)

Nommer le mal a pratiquement toujours un effet libérateur pour les personnes quand elles ont galéré plusieurs mois et souvent plusieurs années sans comprendre ce qui leur arrivait. Les études les plus récentes, indiquent encore une période de 10 ans en moyenne entre l’apparition des premiers troubles et l’établissement du diagnostic qui permet alors de donner une autre sens à sa vie et cela permet de supporter les inepties, les méchancetés, les comportements vexatoires ou discriminatoires que les autres : famille, proches, professeurs, voire médecins peuvent avoir. Crucifiée par la vie la personne narcoleptique peut alors penser : “pardonnons leur, ils ne savent pas ce qu’ils font”.

Ce dernier médecin consulté assure que même si le médicament qu’il prescrit ne guérit pas, il atténue les effets de la maladie. Johanna de son côté en éprouve un “formidable coup de blues” (p 38). Sa maladie l’a obligé a une certaine prise de conscience de ses émotions pour savoir comment y faire face. Elle craint alors que la prise de médicaments ne l’empêche de“poursuivre cette recherche passionnante de ses émotions. (…) J’ai une trouille terrible de ne plus être moi.” (p39) Elle décide : “comme je refuse de prendre les médicaments, je dois juste tenter de gérer au mieux ma maladie. C’est plus facile maintenant que je la connais” (P 42) Alors germe en elle cette idée, en rapport avec son envie de toujours faire du théâtre :“Jouer les émotions serait peut-être un moyen d’apprendre à en maîtriser les effets…” (…) j’aimerais dans la vie, toujours discerner, aussi bien qu’au théâtre, la frontière entre le rêve et la réalité.” (P 43)

Car Johanna fait l’expérience perturbante, et à la limite déstructurante, que dans sa maladie, les deux peuvent étrangement se mêler, sans possibilité immédiate de pouvoir faire mentalement et totalement la distinction nécessaire entre les deux. Cela joue immanquablement sur le doute en ses propres capacités d’analyse, puis sur la confiance en soi, base de l’estime de soi nécessaire pour faire face aux éventuels sentiments dépressifs. D’autant plus que d’autres troubles se manifestent : la paralysie du sommeil et les hallucinations, sans que parfois, elle arrive à bien faire la distinction entre les deux. Ces deux troubles ne sont pas obligatoirement liés, mais elles peuvent l’être, ce qui ajoute alors, aux effets angoissants qu’elles peuvent provoquer.

Vous qui ne connaissez pas, vous pouvez peut-être penser : tout cela c’est du cinéma à défaut d’être du théâtre… l’auteur exagère. Non ! C’est ainsi que cela se passe. Cela oblige, effectivement les personnes narcoleptiques à penser et à critiquer en permanence leur “outil à penser”, à réfléchir à leur capacité de réflexion, à intellectualiser leur fonctionnement intellectuel. Deux démarches complémentaires : d’une part, réagir émotionnellement affectifs pour ne pas provoquer d’accès de cataplexie et d’autre part, analyser intellectuellement ses propres productions intellectuelles pour faire la part entre les événements réels et ceux qui sont hallucinés. C’est un challenge perpétuel, à la fois enrichissant et perturbant. Pas de façon permanente mais à certains moments de sa journée, la personne narcoleptique ne sait plus si ce qu’elle vit fait partie du rêve ou de la réalité.

l’ANC

Au cours de ce parcours initiatique dans la narcolepsie, grâce aux recherches sur Internet de sa mère Pélagie, Johanna apprend l’existence d’une association de malades, censée être l’ANC, et participe à un séjour pour jeunes adolescents (P 51 – 55). C’est là la plus grosse lacune de ce roman, par ailleurs très fidèle à reproduire la réalité psychologique d’une jeune adolescente. Ce que l’auteur dit de cette association et décrit de ce séjour est partiellement inexacte. Sans doute qu’à l’origine de l’idée de son roman, elle a pu prendre des renseignements auprès d’un jeune narcoleptique. Celui-ci a d’ailleurs créé le premier site Internet de cette association et l’auteur mentionne son blog dans ses annexes. Cependant ces renseignements datent beaucoup et ils n’ont pas été mis à jour. Quoiqu’il en soit de ces imprécisions, elles seront rectifiées en fin de texte, revenons aux démêlées de Johanna avec la réalité matérielle et la réalité de ses sentiments amicaux et amoureux.

C’est au cours de ce séjour, très différent dans son esprit et son organisation de ceux proposés jusqu’ici par l’ANC, que Johanna fait de nouvelles expériences dans la découverte de sa sexualité en plein développement. Elle s’interroge aussi, avec son copain de rencontre, sur l’acceptation ou non de sa maladie, sur l’intérêt des ces rencontres entre jeunes et sur l’acceptation du handicap par la société. Un peu ingénument elle lui dit en parlant du séjour ” “c’est plutôt sympa finalement, non ?
* Mouais, tu trouves pas que ça fait cour des miracles un peu ? Ou plutôt ghetto ? On nous parque ensemble, là, avec l’espoir que l’on va bien s’entendre, comme cela on n’emmerdera pas les gens normaux…

L’auteur parfois se contente de mentionner un sujet sans l’approfondir. Beaucoup de questionnements réels sont ainsi survolés ou réglés en une phrase plus ou moins lapidaire, mais n’est-ce pas la façon de réagir des adolescents ? “(…) Vu que c’est génétique cette saloperie, on a plutôt intérêt à pas se mélanger,” dit Sébastien à Johanna au cours de ce séjour.De retour dans son lycée, Johanna indique “Grâce-à-cause-de Marco, j’ai droit au tiers-temps. Cela signifie que je peux plancher un tiers plus longtemps que les autres. C’est bien mais ça me démarque un peu trop des autres.” (p 61) Elle raconte aussi les règles de vie qu’elle est censée respecter pour pouvoir vivre avec sa maladie, sans prendre les médicaments prescrits qu’elle refuse. “Je veux pouvoir dire ; je suis narcoleptique comme je dirais : j’ai les yeux verts (…) Une particularité génétique qui fait que je suis moi.

les siestes

Dans les règles qu’elle se donne, elle a des horaires très stricts. “À peu près toutes les 2 heures dans la journée, j’essaie de faire une sieste d’un quart d’heure. Cela m’évite de m’endormir comme une masse”. Ce principe que Johanna dit respecter, s’il apparaît théoriquement souhaitable, est socialement inapplicable. Sans doute d’ailleurs ne se justifie-t-il que pour quelques personnes narcoleptiques seulement. Pour 16 heures d’éveil cela ferait une série de 8 siestes. Y a-t-il une personne narcoleptique qui fasse cela réellement et régulièrement ? Surtout si elle fait partie des adolescents ! Il serait plus juste de conseiller de faire quelques siestes courtes dans la journée en précisant que c’est “le meilleur moyen” non médicamenteux, de faire face aux accès irrépressibles d’hypersomnolence. Malgré le handicap de sa maladie, elle continue de vouloir vivre comme les autres.

Le tiers temps

Son tiers temps, dans le cadre d’un Projet d’Accueil Individualisé (PAI), n’est pas facile à mettre en place : pas de salle spéciale pour pouvoir dormir tranquille, alors Johanna improvise, mais “il y a souvent un imbécile de prof qui n’est pas au courant que j’existe, qui me trouve là et qui me houspille.”(p 65). De plus, faire la sieste n’importe où, quand la nécessité l’impose, demande de faire confiance à son environnement. La mésaventure qui arrive à Johanna, même si elle n’a rien d’agréable, n’est rien en comparaison de l’histoire réelle survenue à une jeune narcoleptique et racontée, plusieurs années plus tard, à un correspondant local de l’ANC. Elle avait été violée, dans son lycée, par des garçons qui trouvaient drôle de la voir s’écrouler sans réaction quand ils racontaient des histoires “cochonnes”. Le plus problématique dans cette affaire c’est que cela se passait avec le quasi assentiment des profs qui répondirent à ses camarades venues les avertir de ce qui se passait : “De toute façon, elle n’a que ce qu’elle mérite. Vous voyez bien qu’elle le fait exprès.” D’ailleurs, les profs pouvaient se laver les mains, ils ne faisaient que reprendre là le diagnostic circonstancié d’un médecin généraliste coupable d’incompétence : “C’est une manipulatrice !”

culpabilisation des effets négatifs

Un autre trait de comportement de certaines personnes narcoleptiques est la culpabilisation des effets négatifs des symptômes de la maladie. Incapable de maîtriser totalement ses envies de dormir, la personne narcoleptique, dans une sorte de formation réactionnelle, diraient les psychanalystes orthodoxes, se culpabilise de ses imperfections. C’est vraisemblablement l’un des éléments qui favorisent les idées dépressives.“Après tout, c’est ma faute, ma très grande faute ! (…) je dois être plus performante. Je ne dois, pas plus que les autres, me permettre d’arriver en retard.” (p 67)

Au 8ème chapitre, Florence Hinckel aborde et développe le problème de la psychothérapie de Johanna, en prenant quelques précautions très justes et justifiées dès le départ.

“Même si la narcolepsie est loin d’être une maladie psychosomatique, elle est souvent déclanchée par une sorte de choc (…) Et puis surtout, la narcolepsie peut en générer d’autres, des troubles psys … Entre les hallucinations nocturnes, la cataplexie et bien sûr ma somnolence diurne, j’avais vraiment besoin d’un soutien…”(p 74)

Il faut souligner que Héléna, la psy décrite dans le livre, ne pourrait heureusement pas faire partie des fondamentalistes de la psychanalyse et que, grâce à son tact et son intelligence de la situation, elle sait apporter à Johanna ce dont elle a besoin : une écoute. Ce n’est malheureusement pas le cas de tous les psys que des personnes narcoleptiques ont dû subir et qui, malgré tout, persévéraient dans leur erreur diagnostic comme le médecin généraliste cité plus haut.

théâtre et cataplexie

Amoureuse du théâtre avant sa maladie, Johanna va se servir de sa passion, en premier lieu pour se faire plaisir, puis pour essayer d’apprendre à mieux vivre ses émotions, dans le désir qu’elles ne provoquent plus chez elle des accès de cataplexie. C’est une démarche constante des personnes qui ont à faire face à ce problème. Comment faire ? Quelles techniques utiliser ? Quels moyens prendre ? Quelles conduites tenir ? Johanna, par exemple, essaye de “lire en sautillant pour rester éveillé”. “Trucs et astuces” est l’une des pages du forum du site de l’ANC. En fait, le plus important n’est sans doute pas la technique utilisée, mais le désir de faire face que cette recherche de technique indique.

idées dépressives, idées suicidaires

Les idées dépressives peuvent véhiculer des idées suicidaires, plus ou moins gaies, et Johanna décrit un épisode de tentative de suicide comme si elle vivait une hallucination, un rêve ou une tragédie grecque … celle d’Antigone ? Une rencontre fortuite, enfantine et attentive et la vie reprend avec son cortège de culpabilités et d’interrogations supplémentaires : “étais-je dans mon état normal ? Est-ce que je croyais rêver encore une fois ? Est-ce que je suis capable de recommencer une pareille absurdité ?” (p 112) Ces questions peuvent paraître de pure forme pour une personne normale qui arrive facilement à faire la part entre ses rêves et la réalité. Ces deux éléments se mêlent très souvent chez la personne narcoleptique de façon parfois très problématique. Ceci peut faire perdre la confiance non seulement en soi mais aussi dans les autres. Pour Johanna se pose la question de la sincérité de ses relations amicales  :”Je sais bien que tout le monde est gentil avec moi parce qu’ils ont pitié (…) Arrête de me mentir toi aussi ! (…) À qui est-ce que je peux faire confiance, entre la pitié et la curiosité ? À qui ?” (p 118)

Aux problèmes de l’adolescence, Johanna doit ajouter les problèmes de sa narcolepsie cataplexie. Pour tenter de les résoudre, elle va utiliser Internet. Elle pense même que ces rencontres virtuelles sont plus intéressantes que les rencontres réelles. “Sur les blogs, les enjeux de séduction et d’apparence disparaissent comme par magie. Comme c’est impersonnel, c’est plus sincère”. On peut ne pas souscrire à cette opinion mais force est de reconnaître que l’Internet joue un très grand rôle dans l’information, la prise de conscience, l’acceptation, l’adaptation, la connaissance des conduites à tenir en ce qui concerne beaucoup de maladies rares. Ainsi Johanna commence à dire : “Maladie est un mot que je déteste ! (p 121) puis (p 123) “J’arrête là ma lecture. Malade peut-être. Mais handicapée ? Non !”

Est-ce de l’humour au second degré dans l’intention de l’auteur, mais Johanna parle d’un garçon qui raconte “son combat pour obtenir une prime pour handicapé” (sic). Ce sera le seul moment où est mentionné la possibilité, en cas de handicap grave dû à la narcolepsie de percevoir l’AAH c’est-à-dire l’Allocation pour Adultes Handicapés, actuellement attribuée par les MDPH, les Maisons Départementales Du Handicap.

De prise de conscience en acceptation, Johanna va décider de prendre les médicaments prescrits : “Accepter de prendre ce médicament maintenant, c’est aussi reconnaître que je suis malade, et que je dois être soignée (…) Ou peut-être ai-je tout simplement enfin accepté que je devais lutter, certes, mais pas forcément toute seule. Peu à peu, grâce aux médicaments, (…) je n’ai plus peur de mes émotions” (p 130)

Cette analyse ne révélera pas la fin du livre pour vous inciter à le lire. Certes, il est loin d’être un thriller haletant, l’intrigue est mince mais il est agréable à lire et il s’adresse plutôt à un public jeune d’esprit. Ce n’est pas écrit en français très académique, le style est très proche du langage parlé, on note même des erreurs de style, mais il évite avec humour la vulgarité et les barbarismes. Il traduit bien les pensées adolescentes de Johanna sans tomber dans les travers du pastiche et de la fausse complaisance. Il raconte aussi ses sentiments dans la découverte de sa maladie de façon progressive et juste. Elle passe de l’incompréhension au désarroi pour accepter, comme tous les jeunes de son âge, mais sans doute plus que pour les autres, d’être aidée. Son désir de jouer Antigone symbolise son désir de perfection presque jusqu’à l’extrême. Ce livre permet la discussion et ce n’est pas son moindre intérêt.

aspect didactique et informatif

L’auteur a voulu aussi avoir un côté didactique : montrer ce qu’est la narcolepsie cataplexie, les problèmes que cela pose et les solutions que l’on peut y apporter. C’est dans ce domaine que se révèlent malheureusement quelques lacunes. Certaines ont déjà été soulignées globalement elles sont de deux sortes : les informations sur la maladie et celles sur l’association de malades ANC. Dans l’appendice : “C’est quoi la narcolepsie ?” il faut souligner un manque de précision. Il n’est pas juste de dire : “Elle se caractérise par quatre symptômes essentiels.” Ce serait justement confondre les signes secondaires avec l’essentiel. Seuls les deux premiers signes mentionnés, la narcolepsie et la cataplexie, sont des signes dont la présence évidente suffit, à eux seuls, à diagnostiquer une narcolepsie cataplexie. Les autres signes ne sont pas obligatoirement présents chez tous les narcoleptiques et leur importance est aussi très variable. De plus, pour compliquer le tableau, un narcoleptique sur quatre ne présente pas d’accès de cataplexie qui peuvent, en outre, soit être très espacés dans le temps soit très fréquents.

Dans la narcolepsie, il n’est pas entièrement juste de dire : “Ces somnolences se caractérisent par un endormissement direct en phase de sommeil paradoxal.” Le Test Itératif de Latence d’Endormissement (TILE) ne demande pour être validé et pour poser le diagnostic de narcolepsie que “au moins 2 endormissements sur 5 en phase de sommeil paradoxal”. C’est d’ailleurs une erreur que l’on voit reprise de plus en plus souvent dans des informations incomplètes sur la maladie de Gélineau. Dans la narcolepsie l’endormissement n’est pas automatiquement et obligatoirement un endormissement en phase de sommeil paradoxal, mais il l’est de façon significative plus fréquemment que dans la population normale.

hallucinations

Deux des signes secondaires : les hallucinations hypnagogiques et les paralysies du sommeil sont mentionnées comme essentielles alors que d’une part, ces signes ne sont pas présents chez toutes les personnes narcoleptiques et d’autre part, il y a d’autres signes. Il y a d’abord des pensées de rêves hypnagogiques (à l’endormissement) et hypnopompiques (au réveil) qui sont amalgamés avec les hallucinations dans ce livre. Sans entrer dans des détails, ces deux phénomènes sont voisins mais cependant différents. La description des paralysies du sommeil demande aussi à être discutée. Elles peuvent être angoissantes, surtout au début de leur apparition, cependant on comprend mal que, si “on ne peut faire le moindre mouvement” c’est-à-dire n’avoir aucune commande sur son tonus musculaire, ce tonus disparaisse totalement ou partiellement dans un accès de cataplexie pendant ces paralysies si la personne s’énerve. Ne sont pas mentionnés d’autres troubles comme les difficultés de mémorisation et les actes automatiques

l’ANC

Il est étonnant que l’auteur remercie l’ANC qu’elle appelle “Association de narco-cataplexie” alors que son intitulé exact que l’auteur pouvait trouver, comme son héroïne Johanna sur Internet, est Association Nationale de Narcolepsie Cataplexie et d’Hypersomnie Idiopathique. Les renseignements qu’elle donne datent et n’ont malheureusement pas été mis à jour. L’adresse exacte du secrétariat est depuis plusieurs années : le Village – 07110 VALGORGE.

Il est dommage enfin qu’elle ne donne ni des renseignements ni l’adresse Internet concernant le site de l’ANC dont elle mentionne pourtant l’existence. Le nouveau site dont l’adresse est https://www.anc-narcolepsie.com est en ligne depuis janvier 2007 et son forum, fréquenté par beaucoup de jeunes narcoleptiques qui viennent échanger ce qu’ils vivent, fonctionne depuis le 2 juillet 2007. À la mi février 2008, en moins d’un an, il y a eu environ 1900 visiteurs venus consulter ou discuter sur ce forum. Aller consulter l’ancien site de l’ANC, toujours en ligne, aurait peut-être alimenté la trame de son roman, en tout cas modifié ce qu’elle dit du séjour jeune puisque des résumés y figurent depuis 2003.

Quoiqu’il en soit de ces imprécisions et de ces erreurs, il faut conseiller la lecture de ce livre, car ce qu’il fait de mieux et ce qu’il est le seul à faire pour le moment est de traduire les états d’âmes d’une jeune adolescente qui doit faire face à cette “maladie parfois gravement handicapante”.

Art et narcolepsie

Le désert artistique et l’absence d’information du siècle dernier, concernant la narcolepsie, commence à prendre vie.

* Citons le film “Narco” dont vous pourrez trouver l’analyse sur le site de l’ANC. Ce film a été controversé dans sa forme. La narcolepsie peut-elle être le sujet d’un film comique influencé par les techniques de la BD ? C’est cependant aussi un bon film que l’on peut voir et discuter avec intérêt. Lors de sa sortie à Nantes, par exemple, il avait servi à alimenter des discussions très suivies avec des médecins travaillant au laboratoire du sommeil, dans une salle de l’UGC.

* Il existe un autre bon film américain de Gus Van Sant sur le sujet de la narcolepsie dont le titre est My Own Private Idaho. L’acteur River Phoenix y joue le rôle d’un narcoleptique marginal et clochardisé.

* Dans le film Rat Race, l’acteur Rowan Atkinson joue le rôle d’un narcoleptique et

* dans le film, Moulin Rouge, l’Argentin est un narcoleptique.

* Un site américain fait une longue liste de références sur ce sujet.

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Marcel Rousseau :

En date du 12.03.2008, dans un article intitulé “droit de réponse”, Florence Hinckel, sur son site, réagit au commentaire que j’ai fait paraître sur le site de l’ANC. En voici quelques extraits :

« La fille qui dort fait encore parler d’elle.

Cette fois, c’est sur le site de l’Association Nationale de Narcolepsie Cataplexie et d’Hypersomnie Idiopathique (ANC). Monsieur Marcel Rousseau, psychologue-clinicien, a décortiqué mon roman. (elle ajoute un lien qui renvoie à cette page)

Je suis vraiment heureuse que mon histoire semble avoir de tels échos de justesse, quant aux ressentis des jeunes narcoleptiques. Je remercie chaudement Monsieur Rousseau pour avoir exprimé cet avis.

J’aimerais cependant préciser, car souvent la confusion est faite, que je ne suis pas spécialiste de la narcolepsie-cataplexie. Je “ne” suis “que” romancière, et si mon roman sonne juste, c’est par simple empathie envers un ami, qui n’a en aucun cas joué le rôle de conseiller technique. Je l’ai juste regardé vivre, durant quelques temps, il y a longtemps. »

Vous pouvez lire la suite sur le site de l’auteure. Elle y donne les raisons pour lesquelles ses renseignements sur l’ANC ne sont pas à jour. Ayant moi-même participé à l’édition de livres, je comprends tout à fait ses explications.

Je précise que mon intention première était de profiter de la parution de ce livre. Cela pour donner des informations récentes sur le fonctionnement de l’ANC. Notre site manifeste sa vitalité attestée par les statistiques des visites de nos pages.

Ce livre, nos commentaires et les articles que nous pouvons faire paraître à son sujet dans les différents organes de la presse, locale et nationale, aboutissent à faire mieux connaître la narcolepsie et les problèmes des jeunes qui y sont confrontés. Tout le monde a quelque chose à y gagner.

Alors, lisez ce livre et faites-le connaître.

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